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Donald Trump : « L’américanisme et non le globalisme, sera notre credo »

Ce fut "sa" convention. Non pas celle du concurrent lambda ayant accumulé au cours de quatre mois de primaires suffisamment de délégués pour revendiquer le titre de champion du parti. Scénario classique dans lequel Donald Trump ne put, et surtout, ne voulut pas entrer. Sa convention, celle qu'il a façonnée, celle qui eut son visage, celle qui s'est déroulée l'autre semaine durant quatre jours à Cleveland dans l'Ohio était d'une autre nature, d'une autre trempe. D'ordinaire, une convention poursuit trois objectifs : réconcilier les ex-adversaires en gommant les fractures politiques ; rassembler les diverses tendances autour d'un programme de gouvernement ; confier au plus représentatif le soin de conquérir la Maison- Blanche. Trois opérations qui aboutissent au couronnement d'un candidat officiel : moment solennel où le personnage et le parti ne font qu'un. Le premier apparaît comme un exécutant, le second comme un creuset. On parle d'unité, d'harmonie - de symbiose. Alchimie qui donna parfois de bons résultats. Exemples : Richard Nixon en 1968, Ronald Reagan en 1980. Rien de tel ne se passa à la convention républicaine de Cleveland. Convention atypique et, dans une certaine mesure, révolutionnaire. En apparence, Trump y a été propulsé par une organisation partisane afin de s'opposer en novembre à la démocrate Hillary Clinton. En fait, Trump s'est servi de cette organisation comme d'un vulgaire tremplin afin de bondir vers le sommet. Pour le parti, le New-Yorkais était une nécessité structurelle, mais pour le New-Yorkais, le parti n'était qu'une occasion à saisir. Aux yeux dû parti, Trump est un combattant rétif mais indispensable. Aux yeux de Trump, le parti est une coquille vide mais utile. Deux perspectives aux antipodes l'une de l'autre. Deux ambitions qui n'eurent d'autre lien que le forum étincelant de Cleveland dont l'extravagance fut applaudie sur place par dix mille militants et suivie en direct par 50 mil-lions de téléspectateurs. Le parti y officia avec candeur ; Trump y régna avec cynisme. Ce tut "sa" convention, il ne l'avait pas volée, avec ses 38 victoires dans les primaires, ses seize concurrents au tapis, ses 14 millions de voix glanées à travers tout le pays. Des succès en rafale pour un podium en or. Un micro, une batterie de caméras, une couronne de projecteurs pour un reality TV show : Trump baignait dans son élément. Il fut l'inégalable metteur en scène d'une extraordinaire équivoque. Il fut l'habile magicien d'un spectacle d'ombres chinoises : les clairs-obscurs masquaient et dévoilaient tour à tour les illusions et le réel. On s'y trompa.

Caisse de résonance

Pourtant, les desseins de Trump semblaient nets : être non pas le candidat républicain, mais un populiste présidentiable. Nuance qui signifiait pour le milliardaire une chose - une seule, mais capitale. L'immense caisse de résonance de Cleveland servirait à montrer aux Américains qu'il était le seul à pouvoir, non seulement gérer les affaires courantes de la plus grande puissance mondiale, mais également, en ces temps troublés, relever n'importe lequel des défis que des ennemis extérieurs - et surtout intérieurs - lui lanceraient. Autrement dit, chef de gouvernement en deçà des frontières : garant de « la loi et l'ordre » ; commandant-en-chef au-delà : gardien de « l'Amérique d'abord ». Paul Manafort, stratège de Trump, eut ce mot : « Le jour où l'on sentira que Donald est perçu par un maximum d'Américains comme quelqu'un capable de les diriger, l'élection de novembre ne sera plus qu'une formalité. » Propos d'une terrible lucidité. Ils écartent comme une incongruité toute idée d'unité. Et chassent du même coup comme obsolète tout souci de loyauté. Dans ce schéma, qui annonce à la fois la rage et la solitude d'un coureur de fond, que viendrait faire l'unité d'un parti ? Il s'agit du corps à corps d'un homme et d'un peuple. Sans intermédiaire : du direct, du physique. Et quelle place reviendrait au concept .de loyauté à l'égard d'un parti ? Il ne s'agit pas de morale mais de pragmatisme : est vrai ce qui réussit. Là aussi,sans intermédiaire,et surtout pas celui d'un contrat au sens strict du terme. Trump est seul. Seul en face d'un pays. La convention lui a servi à articuler les éléments de sa propre logique. Raison pour laquelle les média aux ordres se sont égarés en se réjouissant de la "rupture", de l’"incohérence" et du "chaos" de Cleveland. Évocation d'images décalées appartenant à une autre logique, à un autre monde. Celui des notables du parti qui n'ont rien voulu comprendre, celui des élites qui n'ont rien voulu sentir et celui des décideurs qui n'ont rien pu décider. Ce fut, à l'inverse, l'univers de Trump. La rupture a été la sienne. L'incohérence et le chaos ont été les siens. Ils eurent leur rôle. Ils intégrèrent le script avec, eux aussi, leur part d'équivoque.

Trump ne fit rien pour l'estomper. D'où cette remarque cinglante qu'il destina aux vrais et aux faux naïfs : « Je gagnerai avec ou sans le soutien actif du parti républicain. Que cela lui plaise ou non. Si c'est avec lui, tant mieux ; si c'est sans lui, tant pis. » Exaspération d'un franc-tireur souffrant d'injustice depuis trop longtemps. Pour lui, l'essentiel était ailleurs que dans ce débat postiche et dérisoire. Il était dans l'interminable défilé de professionnels - du simple ouvrier au patron millionnaire en passant par des sportifs et quelques pasteurs - dont beaucoup de femmes et de Noirs, sans oublier un saupoudrage d'Hispaniques et d'Asiatiques qui, durant quatre jours, sont venus sur la scène de la convention parler d'un autre Trump, décrire un autre Trump, raconter un autre Trump que celui qui traîne dans les journaux et les lucarnes. Un Trump qu'ils ont connu, apprécié, estimé au cours de leur vie. Parfois pendant quelques jours. Parfois durant des semaines ou des mois. Parfois tout au long d'années entières. Ils ont rencontré Trump sur des chantiers, dans des bureaux, des salles de conférence. Leurs existences se sont croisées et ils ont gardé de ce hasard un souvenir ému. Ils l'ont confié avec des mots simples, des images touchantes, des souvenirs modestes, naturels, très loin de la caricature d'un milliardaire odieux, sexiste et raciste, très loin du crayonnage incendiaire du magnat de l'immobilier que la presse au collier se plaît à répandre depuis des mois, très loin de l'intoxication siono-globaliste, dont l'acharnement destiné à détruire le septuagénaire iconoclaste restera dans l'histoire comme l’une des caractéristiques de cette élection. Mots directs et témoignages percutants : Trump n'est pas ce que beaucoup croient. Il peut être ouvert, chaleureux, encourageant, généreux. Il peut gouverner l'Amérique parce qu'il a su lui parier, parce qu'il a voulu la comprendre. Et il doit gouverner l'Amérique parce qu'il a senti ses problèmes, parce qu'il a touché ses plaies. Interminable défilé de l'Amérique du travail, de l'Amérique qui crée, de l'Amérique des femmes et dé celle des Noirs : le réactionnaire à la crinière blonde qui a l'air de ne s'adresser qu'aux Blancs s'est offert à Cleveland un tour d'horizon général. Histoire de se débarrasser une bonne fois pour toutes des oripeaux dont on l'a affublés. Histoire de montrer que son dynamisme ratisse large. Et de prouver aux sceptiques - calcul d'un commercial de haut vol - que l'essayer, c'est l'adopter.

"Il n’abandonne jamais"

Par profusion, sous les feux de la rampe, ces démonstrations d'estime et même d'affection constituèrent l'un des points forts du forum. Il y en eut bien d'autres. Lorsque Trump choisit Mike Pence, 57 ans, gouverneur de l’lndiana, comme candidat à la vice-présidence - un descendant d'Irlandais catholiques devenu évangéliste pro-vie et pro-mariage, au cœur du mouvement conservateur -, il montra qu'il était enfin capable de maîtriser ses tendances impulsives et d'écouter quelques conseils de prudence. Par sa pondération, son expérience, son aura, Pence apportera au New-Yorkais ce qu'il n'a pas : de vrais alliés dans le monde politique et du doigté dans les affaires publiques. Lorsque l'on comprit, dès le premier jour de la convention, que la fronde des délégués hostiles à Trump ne pourrait plus, comme ils l'avaient souhaité, invalider les résultats des primaires afin de les remplacer par un nouveau vote, ce fut parmi les cinquante délégations une explosion de joie et un autre point fort de la convention : cette sourde menace qui planait sur elle depuis des semaines aurait pu provoquer son implosion et compromettre tout le dispositif du milliardaire. On serait alors resté dans l'ignorance de l'un de ses meilleurs atouts personnels - sa famille : une femme, trois garçons et deux filles - qui, en cinq interventions (Barron, 11 ans, fut le seul à rester dans l'ombre) se transforma également en point fort à Cleveland. Retenons les deux plus saillantes. D'abord son épouse, Melania, 46 ans, originaire de Slovaquie : « Si vous cherchez quelqu'un qui se bat pour vous et pour votre pays, a-t-elle glissé, alors vous l'avez trouvé : c'est Donald Trump. Il n'abandonnera jamais. Il ne vous laissera jamais tomber. » Ensuite son fils, Donald junior, 39 ans, lui-même père de cinq enfants de 9 à 2 ans : « Mon père a passé toute sa vie avec des gens du peuple au milieu de travailleurs, a-t-il confié. Le plus impressionnant chez lui comme leader, est qu'il devine très vite le potentiel de chaque individu avant même que l'intéressé ne s'en doute. » Appelant son père son "mentor" et son « meilleur ami », il ajouta : « Et plus quelque chose paraît impossible, plus il a envie de le faire. » Par leur spontanéité, leur chaleur, les deux témoignages ont marqué l'assistance. Mais il a fallu que les malfaisants ternissent celui de Melania en l'accusant de plagiat : 60 mots, soit 7 % de son message, ressemblaient au texte de Michelle Obama à la convention démocrate de 2008. On cria aussitôt au scandale et, durant vingt-quatre heures, les média ne vibrèrent que pour l'anecdote, Trump calma d'un mot l'effervescence qui aurait sans doute dégénéré en opération de sabotage : il pardonna sa maladresse à la démissionnaire qui avait aidé à écrire les 150 lignes de son épouse. « Les erreurs font aussi partie de l’expérience », lui lâcha-t-il. Mansuétude : une qualité qu'on ne lui connaissait pas.

Un réquisitoire et un avertissement

À l'inverse, on le connaît ardent, fougueux, décharné. Qualités ou défauts ? À Cleveland, des qualités. Trump les a mises au service des ultimes instants de la convention : son discours - l'apothéose d'un fonceur - qui fut long, implacable, dévastateur. Un bulldozer. Écrit par un professionnel de la politique, lu par un damné du spectacle : mélange détonnant. On sentait que les phrases n'étaient pas du New-Yorkais (question de rythme, de respiration) mais, en revanche, les silences, les rictus, la gestuelle sortaient bien de ses tripes. De l'authentique à plein volume sous 100000 ballons rouges et bleus : un grand moment. Dans ce discours, deux volets : un réquisitoire et un avertissement. Le réquisitoire a descendu en flammes les huit ans qu'Obama a passés à la Maison-Blanche. L'avertissement fut pour Hillary Clinton. Avec pour elle, en filigrane, quatre questions. Comment comptez-vous assumer l'héritage présidentiel ? Comment ferez-vous du démocrate neuf avec du vieux subversif ? Comment échapperez-vous à votre étiquette d'incompétence ? Comment évacuerez-vous les scandales qui vous collent à la peau ? Quatre questions qui définissent les grands axes de la prochaine offensive de Trump contre sa rivale. Nous sommes en effet avertis : le duel sera sans merci. Mais Trump associe Hillary à Obama pour faire coup double : si elle était élue, on assisterait à un troisième mandat de l’Américano-Kenyan. De lui, il ne reste rien car tout a augmenté : les homicides, la violence, l'insécurité, la pauvreté, le chômage, les délocalisations d'usines, l'absentéisme scolaire, les dettes familiales, la dette nationale, les risques nucléaires, la menace terroriste, le nombre d'illégaux et le flot des réfugiés. Sombre tableau. À qui la faute ? « Je ferai l’Amérique plus sûre, plus grande, plus forte que jamais », clame Trump avant de se pencher vers la classe moyenne blanche, son vivier électoral, pour confier à cette victime expiatoire de tous les démagogues, à cette grande muette face à tous les périls qu'il est désormais « sa voix ». La salle croule, les gradins explosent. À nous deux, Hillary ! « Elle a été secrétaire d'État de 2009 à 2013 », commence Trump. « En 2009, l'Iran était sanctionné, la Libye coopérante, l'Egypte paisible, l'Irak hors du chaos et la Syrie sous contrôle. Personne ne parlait de l'État Islamique. » Trump enfle son propos et martèle ses mots : « Quatre ans après, l'Iran prépare sa bombe, la Libye est en ruines, l'Egypte sous la botte, l'Irak écartelée et la Syrie en miettes. Quant à l'État Islamique, il semble être partout. Voilà le legs laissé par Hillary Clinton. Destructions et terrorisme. L'américanisme, et non le globalisme, sera notre credo. » Trump évoque deux des scandales signés Hillary : Benghazi (quatre Américains massacrés dans leur consulat en 2012 par son étourderie) et les courriels (une centaine de messages secrets livrés aux espions en 2015 par sa négligence) - avant de lancer "sa" bombe, une dernière avant l'extinction des feux de la convention. « Hillary se trouve au cœur du système. Elle lui obéit parce qu'elle en reçoit des millions de dollars. Il faut en sortir, remplacer le système. Je le ferai. Je suis le seul à pouvoir le faire. C'est pour cette raison que j'ai sauté dans l’arène politique - pour ceux qui sont sans défense, pour les sans-voix. » Et voilà Trump aujourd'hui : le champion de l'Amerexit.

Paul Sigaud Rivarol du 28 juillet au 31 août 2016

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